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Ariane Delrieu, illustratrice
18 janvier 2011

Sa Majesté des Mouches

Majeste_Mouches

Le titre de ce roman d'un auteur anglais qui m'était inconnu jusqu'alors m'évoquait simplement un de ces textes privilégiés des programmes scolaires mais qui n'avait pas fait parti du mien. C'est donc ces derniers jours, et via des conseils extérieurs, que j'ai découvert Sa majesté des Mouches, de William Golding, publié en 1954.
Un groupe de garçonnets anglais s'échouent sur une île déserte après un crash aérien ayant coûté la vie à l'ensemble des adultes qui les accompagnaient. Commence alors un processus de survie et d'organisation qui s'inspire des structures sociales, ou de l'image d'une caricaturale simplicité qui touche souvent à la vérité pure, que les enfants s'en sont fait. Rapidement, ces normes et ces peu d'acquis disparaissent au profit d'un mode de vie primitif et sans loi, et l'aventure Crusoësque tourne à la sauvagerie pure.
Ce synopsis, qui a inspiré bien des productions par la suite, surprend par la brutalité qui en émerge et la remise en question des codes et des fondements sociaux qui bâtissent pourtant jusqu'au lecteur lui-même. Les questions de survie matérielle comme la faim, la soif ou le froid, qui auraient pu diriger ce scénario de l'écroulement d'une micro-civilisation, et ainsi justifier le comportement des héros du livre, laissent la place à des notions plus ancestrales ou plus intimement liées au psychologique plutôt qu'au physique. Le processus qui transforme ces enfants en une tribu ultra-violente et sectaire entremêle en effet les peurs irraisonnées avec les cauchemars qui peuplent les recoins de l'esprit humain et que notre civilisation moderne prend soin d'estomper, ajoutant à ce mélange les aléas des caractères et les désirs enfouis des personnages qui sont autant de reflets des traits que l'on cache ou que l'on soigne.
L'étude du comportement des enfants, et notamment des plus jeunes, dans leurs jeux et leurs relations, est soignée et réaliste, même jusque dans la folie qui semble peu à peu les habiter. L'absence d'adultes, de structures, révèle des comportements à la fois inhumains et pourtant étrangement familiers au lecteur ; et s'il suit horrifié le plus raisonnable de ces personnages, Ralph, dans cette descente aux enfers, à laquelle il a parfois lui-même mis la main à pâte, il lui est difficile de distinguer des incohérences ou des incompréhensions notoires qui auraient mené à ce résultat dévastateur, remettant ainsi en question ses propres capacités à évacuer totalement la part de sauvagerie et de violence de son être.
De l'analyse politique des tirades des chefs de ces fragiles clans, aux offrandes sanglantes et aux visages peints de la déshumanisation libératrice, Golding nous entraîne dans un monde de l'enfance particulièrement cru, dévoilant par là-même une nature humaine dérangeante et pourtant familière.

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