Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ariane Delrieu, illustratrice
21 janvier 2009

Des recherches et un diplôme autour du conte

vue_d_ensemble

Je propose ici un résumé de mes recherches durant ma 4ème et 5ème année aux beaux-arts sur le conte et ses représentations, les photos de l'installation finale pour le DNSEP en juin 2008 de cet article et de l'album sur la colonne de droite ont été prises par Michèle Gottstein, technicienne photo à l'école des beaux-arts de Caen, que je remercie pour ses prises de vues.La question du récit et de la narration s’est introduite rapidement dans mes recherches, l’univers du conte s’est imposé alors comme une source inépuisable de références. Universel, intemporel, il a suscité d’innombrables études et questionnements.

     Dans la perspective du lien de la littérature, du langage et de l’image, ce domaine littéraire est particulièrement intéressant, en témoigne par exemple, la façon dont ces récits oraux et populaires, lorsque l’académicien Charles Perrault les a remis à l’honneur en les revêtant d’un aspect littéraire, se sont ensuite laissés influencer, modifier par cette version écrite d’eux-mêmes. Le conte a un rapport au langage oral, mais donc aussi à la littérature, l’ensemble s’est mêlé au grès d’influences réciproques, et si l’art du conteur oral, comme le déplore Walter Benjamin, dans son texte Le narrateur, disparaît inexorablement aujourd’hui, il reste dans la littérature jeunesse un patrimoine de cette tradition narrative.
Néanmoins lorsque mon travail s’est axé sur le conte, ce fut dans une volonté de remettre sa véritable nature à l’oeuvre. L’attribution systématique du public enfant à ces récits est une erreur, ils sont à l’origine des développements de structures sociales et culturelles pour l’ensemble des générations. Mon regard sur ces contes et donc mon expression iconographique devaient s’en ressentir, c’est en tant qu’adulte que je regarde le conte, et c’est à un public pluri-générationnel que je m’adresse.
     Je n’ai pas cherché l’illustration d’un texte en particulier. Les nombreuses lectures que j’avais faites de contes, les souvenirs de ceux que j’avais lus ou entendus auparavant, m’ont servi de base dans une entreprise de digestion de cet univers narratif.
     Voulant faire naître une production plastique de ce domaine de la littérature j’ai fait le choix du dessin mural afin de décloisonner l’image de son rapport au livre, d’en être un enchaînement logique et indépendant.
La figuration était de mise, la convocation de l’idée de conte également, mais ces dessins muraux sont des réinterprétations de motifs, de personnages et de situations. Ils illustrent un conte qui n’existe nulle part, ils concentrent en une image étrange une idée, une scène, un motif de l’absurde. Je ne cherche pas à me raconter un conte avant de dessiner, je cherche une image précise sans avant ni après.
    Dans cette perspective j’ai également choisi de faire intervenir, quand je le sentais nécessaire ou par simple envie, l’élément texte. De gros caractères d’imprimerie en bois m’ont permis de reproduire dans mes images des bribes de textes prélevées dans des contes existants, mais toujours sans le souci d’une cohérence narrative. Le conte par sa tradition orale, trouve un de ses fondements dans le simple acte de langage, le plaisir des sons et des expressions ont en effet joué un rôle important dans cette culture, en témoignent certaines productions (que j’ai d’ailleurs privilégiées dans cette récupération) qualifiées de «mensongères» qui ne font qu’exploiter le simple plaisir de parler, dans une absurdité  extrême. Je trouve au sein de ces textes une poésie du mot en accord avec mes propres approches sensibles du langage, et c’est donc dans cette perspective que j’ai inséré l’élément texte dans mes dessins muraux. Il faut également souligner l’important potentiel graphique que ces éléments apportent à l’image, mais leur présence n’est pas systématique : certains dessins restent donc «silencieux».
    Les dimensions importantes des personnages (jusqu’à deux mètres de hauteur) ont un pouvoir de confrontation avec le corps, le mien lorsque je les réalise, celui des spectateurs qui les regardent. Le choix du grand format pourrait donc impliquer le spectateur dans un rapport très différent d’avec le livre. L’appréhension personnelle, solitaire de l’illustration contenue entre les pages d’un livre produit un effet beaucoup plus rassurant et de par la taille et la configuration du rapport dessin/spectateur : une domination implicite (je choisis d’ouvrir le livre ou pas, livre que je peux d’ailleurs tenir, emporter enfermer...) est alors inversée dans l’installation. Le spectateur est confronté à une image qui s’impose à sa vue et à laquelle l’ensemble de son corps doit réagir, ce n’est plus un objet manipulable, mais soi-même qui doit être soumis au mouvement. Il s’agit en quelque sorte d’une expérience d’entrée dans le livre, le spectateur est projeté dans l’image.
    Devant ces images murales une autre étape du projet est apparue : pour chacun des dessins, j’ai alors écrit des textes très courts qui puisaient leur inspiration dans une interprétation postérieure et indépendante de l’image. J’ai dessiné pour produire une image que j’avais à l’esprit sans me préoccuper du sens, je l’ai observé ensuite pour produire un texte.
De la même manière que pour le dessin, ces courts textes sont écrits très vite, néanmoins le choix des mots, le rythme des phrases étaient pour moi d’une importance capitale. Le résultat est une édition de huit «poèmes en prose» intitulée L’écrit demeure quand l’image s’évanouit qui évoque le vocabulaire et l’esthétique du conte mais est devenu autre chose (vous trouverez joint au dossier un exemplaire de cette édition). Ce livret peut faire l’objet d’une lecture pendant la visite de l’installation, mais un fois encore, c’est une production indépendante de ses sources d’inspiration, aucun rapport texte/illustration ne régit les existences des dessins muraux et de ces textes.
Pour conclure cette présentation, un extrait de la préface du livre de Raymond Gid : Typographies* par Gérard Blanchard,  qui me semble-t-il,  parle de ces mouvement de l’image au texte qui gouverne mon projet :

« L’image devenue parole, la parole proférée devenue mot et le mot se muant en image pour le lutrin, tel est le livre. »

Publicité
Commentaires
Publicité